Deux publications sur les enjeux juridiques européens et internationaux de l’IA et du numérique
Céline Castets-Renard, professeure à la Faculté de droit – section droit civil de l’Université d’Ottawa et coresponsable de l’axe Relations internationales, action humanitaire et droits humains de l’OBVIA publie deux ouvrages : une monographie sur le marché unique numérique européen et l’IA, ainsi qu’un ouvrage collectif sur enjeux internationaux des activités numériques.
Droit du marché unique numérique et intelligence artificielle
De prime abord, le marché unique numérique peut paraître comme une simple extension à l’environnement numérique du marché intérieur. En réalité, sa portée est bien plus importante, dans la mesure où il concerne la régulation des contenus, l’utilisation des technologies pour faciliter les échanges internes et externes à l’Union européenne, mais aussi les infrastructures nécessaires au développement des technologies du numérique.
Ainsi, le numérique constitue d’abord l’outil privilégié de parachèvement du marché intérieur.
Les technologies numériques permettent de supprimer aisément les obstacles aux frontières et d’encourager le développement du commerce électronique transfrontalier. Ensuite, les enjeux économiques des technologies numériques, à l’instar des smart contracts, de la blockchain, des voitures autonomes ou encore de la santé connectée, sont tels que l’Union européenne doit mettre en œuvre des règles d’encouragement et stimulation de l’innovation et de la concurrence, afin d’être bien positionnée dans la compétition mondiale qui s’ouvre. Enfin, les choix de régulation du numérique faits par les institutions européennes montrent une volonté de protéger les valeurs sociales et les droits fondamentaux consacrés par la charte de l’Union européenne, à l’instar de la protection des données personnelles et de la vie privée. L’adoption du RGPD est la quintessence de cette approche européenne et témoigne de l’impact que pourrait avoir l’Union européenne dans la régulation du numérique à l’échelle mondiale.
La Commission européenne a fait du marché unique numérique une priorité matérialisée par la publication de plusieurs textes relatifs aux nouvelles technologies dont, la plus dominante aujourd’hui, l’intelligence artificielle. Son livre blanc – publié en février 2020 et destiné à contrer les avancées américaine et chinoise – montre une volonté d’excellence, de confiance et de règles cohérentes en la matière.
Le présent ouvrage rend compte de la dimension matérielle du marché unique numérique, tout autant qu’institutionnelle et conceptuelle, et de l’intelligence artificielle. Il propose une vision claire de l’Union européenne dans son environnement technologique.
Enjeux internationaux des activités numériques
L’affirmation, fréquente, de l’impuissance des États ou des organisations internationales publiques, face aux actions ou défaillances des acteurs privés du numérique, semble pouvoir être aujourd’hui nuancée à la faveur des mesures juridiques et techniques adoptées par les premiers pour garder le contrôle sur les activités des seconds. Plusieurs exemples en attestent au cours des dernières années : menaces de sanctions par l’État allemand en 2017 à l’encontre des plateformes de réseaux sociaux violant les règles de droit national ; auditions du dirigeant de Facebook Mark Zuckerberg devant le Congrès américain ; développement du marché unique numérique dans l’Union européenne ; remise à plat de la fiscalité européenne et internationale applicable aux GAFA ; mesures étatiques de relocalisation des données ; extraterritorialité des règles applicables et validation d’applications extraterritoriales du droit interne par les juges nationaux. Ces éléments d’actualité contribuent à démontrer que les États n’ont pas renoncé à leur souveraineté légale ni à encadrer le comportement d’acteurs qui pensaient pourtant pouvoir s’affranchir de la règle de droit. Ils tendent à illustrer aussi que cet encadrement prend souvent des traits originaux en comparaison des mécanismes juridiques classiques. Ils invitent ainsi à s’interroger sur le sens et la forme, éventuellement renouvelés, de la règle de droit, tant du moins qu’est affirmée la volonté de réguler ou de réglementer l’activité numérique à l’échelle internationale par le droit.